Je dois avouer que j’avais craint une énième histoire d’élu, dans la veine de la fantasy qui s’écrit depuis plusieurs années, avec une fin malheureusement décelable, il n’en est rien ici. Bien sûr, le début s’arque autour d’un jeune garçon sans pouvoir aucun, un Hummortelis. A contrario des Vorlaks. Bien que ces derniers aient perdu quasiment tous leurs pouvoirs en ayant perdu la guerre contre le dictateur Ciceron Ruskin, bien avant la naissance du jeune héros. Mais peut-être reviendrais-je à la genèse de l’histoire.
Pour le moment, il me faut vous traduire mes premières impressions. Déjà, reconnaître que l’auteur fait preuve d’un imaginaire débordant, avec un talent certain pour trouver des noms capables de vous hanter. Pêle-mêle, ça donne ceci : Nãtahãn, Dãstãn, Magnetic-Power, Moodmouch, Kerusator… parmi d’autres plus doux ; Debbie, Isidore… Ou bien : la Grotte des fonds perdus, Kaerne, les montagnes hurlantes, la planète Sator, Eussia, la forêt miroitée… Un petit panel créatif qui a su me mettre en haleine.
Bref, commençons par situer l’histoire. Elle se déroule sur la planète Monde-Terre, elle-même reliée par le Corridor-Céleste aux six autres Planètes-Mondes. Pour revenir à Monde-Terre, un unique continent, dit Le Grand-Continent (l’auteur a su trouver l’équilibre entre les noms originaux et les noms simples) et plusieurs Seamers-Oceans se partagent son écorce. Au bord du Grand-Continent deux îles sont accessibles par le fameux fleuve Erodison, parmi elles, l’île de Marvellous. Très importante, elle est le point d’ancrage du début de l’histoire le jour des treize ans de Nãtahãn. Un anniversaire qu’il fêtera seul avec ses parents, n’ayant aucun ami à part ce chat mystérieux, Magnetic-Power, et Isidore Moodmouch, le vieil ami de la famille. À noter, Marvellous n’est habitée que par le trio Willers et le pêcheur. Nãtahãn n’ayant jamais connu d’autres enfants.
Comme un anniversaire ne se fête jamais sans cadeau, dans une famille qui se veut normale, Nãtahãn en reçoit donc un, et un bien étrange. En effet, celui-ci semble provoquer des événements qui vont précipiter le jeune Hummortelis dans des aventures extraordinaires, parfois pleines de poésie, parfois sombres, mais toujours ensorcelantes. Vous l’aurez compris, ce présent n’est qu’un prétexte pour déceler si Nãtahãn est bel et bien le Nouvel-Élu. Mais aux yeux de qui ? Et bien c’est là que se situe le talent de l’auteur, il me semble ; puisqu’il existe une prophétie chez les Vorlaks affirmant qu’en trouvant le Nouvel-Élu ils pourraient retrouver leurs pouvoirs confisqués jusqu’alors par Ciceron Ruskin, avant que celui-ci sache les utiliser ; alors que le redoutable sorcier noir a en vue de se les approprier à des fins funestes. de quoi générer un duel fabuleux entre le camp du bien et celui du mal. Mais attention ! ici point de manichéisme. Car jamais l’auteur ne s’abandonne à la facilité ou bien la paresse. Chaque personnage ayant son importance, vous ne trouverez pas des armées de figurants. Ils se révèlent même d’une grande humanité ou pas, avec une part importante faite aux animaux et à la nature en général. C’est d’ailleurs l’autre dimension intéressante de ce premier tome ; l’écologie. Ici, elle n’est pas « artificielle », mais fait corps avec la destinée du jeune héros d’une façon très naturelle, à l’image de ses parents climatologues. Et c’est nettement plus parlant, nous amenant sans contrainte en immersion dans cette contrée aux reliefs étonnants. À ce propos, ne croyez pas que cette histoire se déroule au moyen-âge, ou dans des temps encore plus reculés, pas plus qu’elle se déroulerait dans un futur avancé. Non, elle est notre présent. À une différence près, suite à la guerre, les ressources se sont taries d’une manière si brutale qu’elles ne permettent plus aux peuples d’utiliser les technologies modernes, excepté pour une élite. D’où l’emploi de vieux téléphones en bakélite ou celui du Corridor-Céleste comme unique moyen d’accès, et à pied ou en charrette, entre les Planètes-Mondes. Mais oublions ceci, clairement, c’est même à peine évoqué dans le premier tome. Celui-ci faisant plutôt la part belle à la fabuleuse initiation d’un Hummortelis de treize ans, dont la vie va être chamboulée, et aux capacités extraordinaires, si bien sûr il est le Nouvel-Élu, et grâce auxquelles il aidera les sorciers Vorlaks à récupérer leur terre d’origine, ce qui permettrait aux peuples de vivre à nouveau dans la paix.
Si à ce stade de mon résumé, l’histoire vous paraît complexe, ne le croyez pas ; elle est d’une simplicité redoutable, mais dénuée de temps morts. Ce qui signifie, pas de pauses ! On est emporté comme dans une série télé riche et haletante. D’ailleurs, ce récit est très imagé. Quant au style, je dois avouer, là aussi, il m’a agréablement surpris, avec une mention singulière pour les dialogues. À la fois simple et empreint de philosophie, me parvient encore l’écho de certains d’entre eux, notamment ceux entre Nãtahãn et sa mère, ou bien avec l’étrange Maître Diram. Peut-être même il me faudra relire ce premier tome comme on comble le manque d’un ami-monde disparu subitement en attendant le second. Bref, à l’image de sa splendide couverture et des dessins, il s’agit, selon moi, d’une vraie pépite littéraire dans un domaine dominé par les auteurs anglais.

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