BIOGRAPHIE

Michèle Ramond
Elle est née en 1942, dans la banlieue ouest de Paris où elle vécut jusqu’à ses dix-huit ans. De la lointaine enfance, sous le gouvernement de Vichy et l’occupation nazie, il restera toujours une mélodie, un ostinato, le huis-clos avec une mère et un père adorés, les souvenirs diffus du couvre-feu, des alertes, des bombardements et des caves, le contraste des contes de fées, Peau d’âne que lui lisait son père, qu’elle aimait tant écouter, Riquet à la houppe… La littérature tempérait la guerre et permettait de croire à un monde à l’abri du monde ; on feignait au moins de s’y réfugier. D’autres voix sortaient de la radio, il fallait en baisser le son, cacher la lumière, faire ses premiers pas tandis que les pires crimes se commettaient.
À quinze ans, elle perd son père, cataclysme qui plonge dans l’oubli une autre période grave et peu honorable de l’histoire de France, celle de la guerre d’Algérie.
Seule désormais avec sa mère désemparée, mais dont elle mesure le courage et qui devient une confidente, l’avenir lui paraît des plus incertains ; elle aurait aimé faire du théâtre, avec Alain Cuny, ou les Beaux-Arts, mais d’abord il fallait passer son Bac, accomplir le désir des parents, surmonter la crainte de ne plus être capable d’étudier une fois perdu le père, le guide, continuer à étudier : Propédeutique à la Sorbonne, hypokhâgne au Lycée Janson de Sailly, souvenir de Novarina déclamant les chants de Maldoror, préparation du concours de l’École Normale Supérieure au Lycée Fénelon, entrée à l’ENS de Fontenay-aux-Roses, CAPES et Agrégation d’Espagnol, poste d’Assistante à l’Université de Toulouse-le-Mirail, fabuleuse période pour l’Université française, avec ses luttes et ses hardiesses, les années créatives de 1968 à 1980, amphis bourrés d’étudiants, enthousiasmes et controverses.
Ce sont les années où elle prépare sa thèse de doctorat d’État sur le « travail d’écriture » chez Federico García Lorca, conçu sur le modèle du « travail du rêve », en sollicitant avec passion la psychanalyse et la sémanalyse, sans jamais oublier la voix de son  père qui lui psalmodiait, petite, le « romance de la luna, luna » de Lorca. Dans ce contexte, on se prend au jeu de l’institution universitaire : en particulier elle aime faire cours, elle les prépare avec passion, elle les écrit sur des cahiers comme faisait son directeur de recherche, le linguiste et sémanticien, amoureux de Cervantes, Maurice Molho ; le cahier d’écolier, petit format spiralé, l’accompagnera de nombreuses années, de préférence les « Clairefontaine », ceux de Carmen Martín Gaite, elle l’apprendra plus tard avec émotion, mais d’autres plus humbles font aussi bien l’affaire, souvenir du petit cahier à couverture grise de la Galería Salesiana que son père lui avait acheté à San Sebastián et sur lequel elle avait écrit, à onze ans, ce qui allait devenir bien plus tard son premier récit, Le prestidigitateur.
Tant d’années passées dans l’intimité secrète des textes pour en partager les tréfonds avec les étudiants, corps-à-corps avec des œuvres appartenant au patrimoine littéraire de l’Espagne, parfois aussi de l’Amérique latine ! La vie s’écoule, consacrée en grande partie à la transmission de l’amour littéraire et aux devoirs d’une profession splendide.
Puis une révolution a lieu avec cette psychanalyse personnelle (commémorée dans Vous) qu’elle commence en 1984, plus par curiosité intellectuelle que par vraie nécessité thérapeutique, hommage soit rendu à la philosophe et psychanalyste qui permit de retrouver, à côté de l’analyse textuelle et de son exercice périlleux, l’urgence du texte inspiré qui renouait avec une passion d’enfance pour les histoires inventées. C’est la période où elle compose La moureuse, un livre incendiaire de diatribes mises dans la bouche d’une récitante qui prend à témoin l’utopique armée des femmes en mouvement et qui dénonce, en termes fleuris, la domination masculine. À partir de ce livre, l’autre écriture (celle qui privilégie les aventures intérieures dans les clairs de temps que lui laissent la passion et la fonction enseignantes) prend son essor, modeste cependant, pas assez, pas assez d’écriture pense-t-elle. En 1987, elle rencontre une femme d’exception, Antoinette Fouque, qui lui ouvre généreusement les portes de sa maison d’édition, les éditions Des femmes ; elle y publie cinq livres dont L’occupation qui renoue de façon fantaisiste et libérée avec la haute enfance en pays occupé et où elle sauve de l’oubli quelques pages choisies dans les cahiers d’exode de son père ; plus tard, un autre livre, Voyage d’été, tente de dérober poétiquement à la Mort la mère disparue. Devenue en 2008 professeure émérite, elle crée, sur les bases de l’équipe de recherche qu’elle dirigeait à l’université Paris 8, l’Association « Gradiva. Créations au féminin » et, en 2010, dans son sillage, la collection « Créations au féminin », chez L’Harmattan.
C’est alors qu’elle découvre avec bonheur Daniel Cohen, son œuvre littéraire déjà énorme, toujours en cours, son parcours humain, Orizons, une oasis, une nouvelle respiration.

Choix d’ouvrages

  • Le prestidigitateur, Paris, Éditions Guy Chambelland, 1972.
  • Mouvance, Paris, Éditions Guy Chambelland, 1975.
  • La moureuse (Cris de femmes), Paris, Le Hameau, « Littérature »,1987.
  • Vous, Paris, éditions Des femmes, 1988.
  • Le passage à l’écriture (Le premier livre de Lorca), Toulouse, Presses  Universitaires du Mirail, col. « Hespérides », 1989.
  • L’occupation, Paris, éditions Des femmes, 1991 (La ocupación, traducción de María Victoria Rossler, Buenos Aires, Torres Agüero Editor, 1997).
  • Les nuits philosophiques du Doctor Pastore, Paris, L’Harmattan, col. « Écritures », 1997.
  • Le théâtre impossible de García Lorca (Así que pasen cinco años, El público), en collaboration avec Simone Saillard, Paris, Éditions Messene, 1998.
  • La question de l’Autre dans Federico García Lorca, Paris, L’Harmattan, col. « L’œuvre et la psyché », 1999.
  • Souvenirs d’enfance, direction de l’ouvrage, Caen, LEIA, 2000.
  • Feu le feu, Paris, éditions Des femmes, 2004.
  • Voyage d’été, Paris, éditions Des femmes, 2006.
  • Lise et lui, Paris, éditions Des femmes, 2008.
  • Bonheurs du leurre, traduction de Trampantojos de Saúl Yurkievich, Paris, NRF Gallimard, col. « Du monde entier », 2008.
  • Amours ibériques. Six thèmes concertants de la littérature espagnole contemporaine, direction de l’ouvrage, Indigo & Côté-femmes, 2010.
  • Masculin féminin ou le rêve littéraire de García Lorca, L’Harmattan, col. « Créations au féminin », 2010.
  • Quant au féminin. Le féminin comme machine à penser, L’Harmattan, col. « Créations au féminin », 2011.

Ouvrage(s) de l'auteur

Les immortelles
L'Homme qui marche
Les saisons du jardin
Les rêveries de Madame Halley